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Quelques mots sur mes ferrailles

Si les oeuvres que je réalise peuvent être apparentées à ce qu'on nommerait spontanément ''Art Brut'', en ceci qu'elles sont d'abord compositions à base d'éléments en métal, elles n'en sont pas moins ce que j'oserais nommer de ''l'Art Tendre'': les multiples nuances qui y prennent vie, exploration du champ esthétique et symbolique du brun et du noir, naissent de l'alchimie créée entre les différents matériaux utilisés outre les éléments de métal : limaille de fer, cendre, poussières de rouille, lave, débris de verre, etc, pris dans un liant plus ou moins épais.


Cette ''Oeuvre au Noir'', fortement marquée par l'empreinte du temps, née dans le creuset de la nature, mais aussi dans les mythologies, anciennes ou modernes, voire dans la poésie, est avide de la lumière qui en révèlera les secrets chatoiements.

Dominique Brizé

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"Ferrailles" de Dominique Brizé
La délicatesse apprivoise la rudesse du métal

Sur les surfaces sombres, souvent dans les noirs et bruns, la lumière surgit toujours en divers endroits. Pas forcément blanche ou éclatante mais colorée, coulée dans des reflets discrets qui prolifèrent entre les reliefs du métal, ferraille récupérée au cours de balades dans les campagnes, des plus proches aux plus lointaines lors de voyages.
Cette ferraille, entière ou en morceaux, est posée puis fixée sur un panneau en bois. D'autres matériaux  (limaille de fer ou cendre, fin débris de verre et même de la lave) entrent aussi dans la composition qui s'élabore. C'est le croisement d'une "histoire" que l'artiste se raconte et d'une "harmonie" qu'il revendique tout "en laissant parler la ferraille". Dominique Brizé constate que c'est elle qui décide: "Elle donne l'idée qui se nourrit au fur et à mesure que j'avance. Je ne cherche pas à faire du sens mais à composer pour que ça s'arrange bien jusqu'au moment où il me semble qu'une histoire a été racontée."
Le peintre se met donc en mesure d'accepter le sens amené par la matière qui peut conserver, voire imposer sa nature, sa relation à un lieu, à un degré plus ou moins avancé. Un tableau intitulé "La Paz-Alto" est peut-être l'exemple le plus significatif de cette relation. Des éléments rapportés de la cité même se retrouvent imbriqués, presque naturellement, dans l'image de constructions et nourrissent ainsi une double métonymie qui fonctionne à la fois par l'origine des matériaux et leur capacité à évoquer ce à quoi ils étaient destinés. Rongée par le temps au moment où elle est ramassée, la ferraille transmet à l'œuvre ses couleurs altérées mais toujours opportunes à l'endroit où elles s'insèrent.
Il arrive parfois que, chemin faisant, l'idée première se perde, bascule jusqu'à entraîner le renversement du tableau. Un trait, une surface, peuvent alors réveiller un nouvel axe de la composition et clarifier des mouvements d'ensemble jusqu'alors inopérants. Rien à voir avec un mécanisme de puzzle, cependant. S'il y a jeu, c'est dans la recherche d'un équilibre, avec la délicatesse qui maîtrisera la froideur du métal jusqu'à lui conférer une certaine sensualité.
Parce que l'alternance entre cette forme de création et celle de la peinture à l'huile qu'il pratique depuis plus de trente années, passe chez Dominique Brizé par la recherche, malgré la différence des matériaux, d'une continuité dans le plaisir de la couleur. Manier les morceaux de ferraille, poser des touches de peinture participent de la même démarche. La seule différence est dans le geste, méticuleux dans le travail à l'huile, plus ample dans la manipulation du métal qui libère du "souci toujours présent de la précision". Et si les deux genres, pour l'instant, ne se sont jamais mélangés, "jamais combinés", dit l'artiste, il n'en reste pas moins que l'interférence est constante, en particulier dans les tonalités utilisées.
Interférence entre les pratiques différentes. Interférence aussi entre le travail de l'élève et celui du "maître". Depuis de nombreuses années, Dominique Brizé reste fidèle au cours de Guy Brunet, peintre et professeur à l'école des Beaux-arts du Mans. "C'est important pour moi de fréquenter le cours de quelqu'un que j'admire, confie-t-il. Et Guy Brunet a aussi la faculté d'éduquer le regard".
Interférence enfin, par ce regard "éduqué" que Dominique Brizé promène inlassablement dans les musées et les expositions. Passionné par l'histoire et la vie de l'art, il voue une admiration particulière aux triptyques de la peinture religieuse flamande, "parce que, explique-t-il, ils me racontent des histoires et que probablement, je suis plutôt un classique".  Le classicisme qu'il assume ne fait pas ici référence à une classification chronologique mais à une manière physique et technique d'aborder l'acte de peindre, c'est-à-dire avec "ce qui cultive la composition, ce qui permet de conserver de la délicatesse avec le matériau rude qu'est le métal".
                                                                         
Étienne RIBAUCOUR.
Journaliste honoraire

***

Une oeuvre qui pèse sans être pesante ... Une oeuvre qui, loin d'être froide, même si les matériaux qui la composent ont la réputation de l'être, développe une gamme de tons chauds, une oeuvre qui fait en apparence signe vers le passé mais qui est résolument du présent.
On l'aura compris : une oeuvre qui unit les contraires, héraclitienne si l'on se rappelle que ''le chemin vers le haut et le chemin vers le bas sont un et le même'', rectangles qui enserrent conflits et tensions mais ne nous laissent pas déchirés.
Ainsi le regard, l'imagination et la pensée circulent et voyagent dans et au fil de ces tableaux, respirent, cheminent, tracent leurs sillons, invités en cela par les sillons mêmes dont l'artiste griffe la matière. La vie et son mouvement s'affirment ici, recherchant à dessein les tensions – ce qui aussi rend cette oeuvre ''exemplaire'', au sens d'exemple à suivre : ne pas ignorer le passé mais ne pas s'y enfermer non plus, ni succomber sous son poids, donner une dignité nouvelle à ce dont plus personne ne veut.
Nous avons tôt fait de ne pas conserver, de ne pas nous baisser, de ne pas ramasser. Ici au contraire quelqu'un a fait ces gestes au gré de ses promenades, a porté de l'intérêt à des morceaux de métal délaissés, restes ou rebus insignifiants oubliés, jetés au terme d'un travail, d'un quelconque usage, d'une portion de vie, afin de les faire renaître non seulement à leur propre vie, mais à une vie sublimée.

Nadine Borowczyk
Enseignante en Philosophie

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